Les valeurs gaullistes (impressions de lecture du tome Le salut de ses mémoires)

Publié le par academie-philosophique

Autoportrait de De Gaulle

De Gaulle se présente selon trois caractéristiques : un héros, un sauveur et un homme providentiel.

Il est héros dans sa stature de chef conscient de ses responsabilités et les assumant dans tous les domaines. Il incerne l'autorité suprême et l'autorité unique. C'est d'ailleurs lui qui laisse l'état-major le soin de faire appliquer les mesures militaires. Il décide en dernier ressort des décisions économiques et tient les rênes du gouvernement. De ses propres mots, il est "un chef qui ne saurait composer avec son devoir, ni plier sous son fardeau". 

Son action témoigne des qualités accordées traditionnellement aux héros. Ses déplacements multiples après la guerre lui confère presque le don d'ubiquité. Son sens de l'anticipation est redoutable, il n'est surpris par rien, ni la contre-offensive allemande dans les Ardennes, ni le déferlement des passions nationalistes en Asie et encore moins le renvoi de Churchill par les anglais. En moins de vingt mois de gouvernement, il a donné un nouvel éclat à la France

On remarquera également que la distanciation opérée par la troisième personne du singulier transforme de Gaulle en légende. Son apparition déclenche l'adhésion populaire, le regard d'autrui le transforme en être fabuleux dont on attend des miracles. Même les foules étrangères l'acclament avec ferveur.

 

Cette héroïsation s'accompagne d'une idéalisation : de Gaulle est un sauveur. Il est le "champion de la France", c'est-à-dire un défenseur dévoué à une cause supérieure pour laquelle il est prêt à sacrifier sa vie. Ce mot l'inscrit à mi-chemin entre l'Histoire et la légende. 

De Gaulle est aussi un sauveur en affirmant qu'il fallait poursuivre le combat contre l'occupant et dans l'unification progressive de la résistance. 

 

Ce héros et sauveur se sent investi d'une mission, ce qui fait de lui un personnage providentiel. Cette mission lui a été inspirée tantôt par la détresse de la patrie, tantôt par la France elle-même, tantôt par les français, tantôt par un 'il" impersonnel. C'est un peu comme si la providence divine l'avait envoyé pour sauver le pays.

De Gaulle est également le dépositaire de la grandeur nationale. Quand il évoque son départ le 20 janvier 1946, ce n'est pas un homme qui se retire, mais un "souffle venu des sommets", un "espoir de réussite", une "ambition de la France". En quittant la scène politique, de Gaulle devient une légende.

Cette sortie n'est pas présentée comme définitive car, même s'il n'est plus au pouvoir, il demeure le "détenteur désigné de la souveraineté nationale". Si un malheur s'abattait sur la France, alors on fera appel à lui et il répondra à cet appel.


Les portraits des hommes politiques qui lui sont contemporains

Hitler et Mussolini sont à la fois semblables et dufférents.

Les deux dictateurs sont des aventuriers. Hitler est parti de rien alors que Mussolini n'avait d'autre soutien que son  ambition.  Mussolini s'est emparé du pouvoir lorsque l'Italie glissait à l'anarchie et Hitler quand l'Allemagne en avait assez de ses politiciens dérisoires. Les deux ont un grand talent oratoire : Mussolini ets un orateur "entraînant et excessif" alors qu'Hitler, avec sa voix passionnée remua "les instincts secrets" des allemands. Les deux ont promis à leur nation de la grandeur.

Leur démesure commune les a portés à l'échec. Vouloir restaurer l'antique primauté de Rome, comme l'ambitionnait Mussolini, n'avait plus de sens dans une époque où le monde est aussi vaste que la terre. Les traditions culturelles et politiques étaient en outre bafoués par l'alliance avec le nazisme. Hitler a fondé une entreprise qui se basait sur la bassesse des hommes. Pour parvenir à leurs fins, les deux ont établi des dictatures. Mussolini a "exilé la liberté".

 

Néanmoins, ce sont deux dictateurs différents. De Gaulle dissimule à peine son mépris pour ce duce qu'il appelle "grande vedette de la scène internationale". Son régime n'a été qu'un cortège d'apparences. Il est lâche quand il attaque la France alors qu'elle est quasiment vaincue par l'armée allemande.

Le portrait d'Hitler est plus grave, plus tragique. Son action fut "surhumaine et inhumaine". Il lui applique des références mythologiques renvoyant à la barabrie de l'apocalypse : un "prométhée" qui se jette "au gouffre", un "Titan", un "Moloch" tyrnannique. Il se suicide dans une atmosphère de fin du monde faute de n'avoir pu triompher.  

 

Staline est à la fois un tyran farouche et un terrible négociateur. 

Le portrait débute par le trait le plus saillant du caractère de Staline : sa "volonté de puissance". Tout son comportement obéit à cela : absence de pitié et de sincérité, cruauté constante, considérer chaque homme comme un obstacle à éliminer. Les images sont fortes : "communiste habillé en maréchal, dictateur tapi dans sa ruse". Il s'agit bel et bien d'un despote qui n'hésite pas à impose rà son pays une dépense inouïe de pertes humaines.

De Gaulle souligne néanmoins le "charme ténébreux" du personnage. Cette fascination tient à la passion qui l'anime. Staline est un patriote obsédé par la grandeur de la Russie avec laquelle il forme un couple terrifant. Sa volonté de puissance recoupe les rêves de sa patrie. C'est un "conquérant à l'air bonhomme" capable de tout pour parvenir à ses fins.

 

Son portrait est placé avant les négociations car il en explique le déroulement. La ruse de Staline apparaît dans le débat sur les futures frontières de la Pologne. Sa brutalité empreinte de haine et de mépris se ma,ifetse dans ses propos à l'égard des polonais de Londres. Sa bonhomie est dans son apparence rustique et dans son désir d'afficher une culture rudimentaire. 

La scène des toasts, qualifiée de scène de tragi-comédie,  est exemplaire. Ses gestes sont théâtraux, mais l'emphase du propos s'accompagne toujours de menaces. Ceux à qui les toasts sont adressés sont qualifiés de "rigides", "silencieux". La scène vise aussi à impressionner la délégation française en "faisant étalage de la force séoviétique"

 

De Gaulle fait à la fois l'éloge et le parallèle avec Churchill.

En dépit de leurs différends, De Gaulle est admiratif devant Churchill. Il le qualifie d'exceptionnel artiste, de "grand politique". Il assume seul la tâche gigantesque de mobiliser toutes les énergies de son pays contre Hitler. Loin d'amoindrir sa gloire, sa défaite électorale le grandit. Ses vertus sont "inadéquates au temps de la médiocrité". Il rend hommage à l'homme qui l'a accueilli et soutenu en 1940. 

Churchill est comparé à un "cpitaine" naviguant sur le "mer démontée de l'histoire" et tenant d'une main ferme la barre de la "nef' anglaise. Cela suggère le courage et la solitude dans la "tempête"

 

Comme dans tout parallèle, de Gaulle souligne les ressemblances et les différences entre eux deux. Un même idéal anime les deux hommes : vaincre la barbarie nazie et sauver leurs pays respectifs. Mais que de différences entre eux ! Churchill dispose de moyens politiques, financiers, militaires alors que de Gaulle n'a rien : ni légitimité, ni forces. A la puissance de Churchill répond symétriquement la faiblesse politique et matérielle de de Gaulle. Le premier est admirable pour son énergie, le deuxième pour son combat longtemps solitaire. 

Ce portrait est aussi une préfiguration de l'avenir. En ayant navigué pendant plus de cinq années côte à côté, les deux navigateurs ont un destin en partie lié. Ils peuvent se retirer après le retour au calme, avec une différence toutefois : si la défaite électorale contraint Churchill à partir, de Gaulle n'entend pas attendre qu'on lui signifie son congé pour s'en aller. 


Les rapports entretenus avec les alliés

L'entente est parfois cordiale, les affrontements sont parfois vifs.

La giuerre contre le nazisme a créé une solidarité entre eux. Il existe un "intérêt commun". Cette solidarité s'exrime dans le domaine militaire lorsque de Gaulle donne son agrément à Eisenhower pour l'emploi des troupes françaises en Alsace. Elle est aussi politique lorsque la France signe un traité  d'assistance mutuelle avec l'URSS. Même si elle n'est pas sans réserves, la confiance avec les etats-Unis perdure. 

Les rapports entre les alliés reposent aussi sur des relations personnelles. De Gaulle éprouve de la sympathie et même de l'amitié pour Churchill. Il fait jouer en sa présence et en son honneur le père la victoire en 1944. Les relations avec Roosevelt ont toujours été tendues, elles sont plus chaleureuses avec Truman. De Gaulle fait totalement confiance à Eisenhower dont il reconnaît la valeur sratégique et le "dévouement au service de la coalition'. Ils se quittent en bons amis.

 

Les tensions entre les alliés sont nombreuses et fortes. Les alliés sont "ce qu'il y a monde de moins impartial". Chacun d'eux défend son propre intérêt. Chaque fois que la France n'est pas considéré comme un "associé à part entière", de Gaulle manifeste son désaccord. Les armées françaises n'ont pas vocation à fournir une force d'appoint aux alliés. 

De Gaulle a beau apprécier Eisenhower, il conteste sa décision d'abandonner Strasbourg car cette ville est symbolique, il faut la défendre à tout prix, bien qu'il puisse l'approuver sur le plan stratégique. Dans l'affaire de Syrie, De Gaulle et Churchill deviennent ennemis. L'Angleterre va jusqu'à lancer un ultimatum à la France. Sur le terrain, français et anglais sont dans un dangereux face-à-face armé. L'alliance n'a été que ponctuellement harmonieuse. 


La vision de la france

La France est à la fois personnifiée et fait l'objet d'un culte. 

De Gaulle donne à la France les attributs d'un être humain. Elle possède un "corps", elle est dotée d'autonomie, de mouvement, elle "se retrouve chez elle" après la libération, elle "se reprend" comme après une longue absence. Elle éprouve de sentiments comme lrosque la contre-offensive allemande dans les rdennes la "touche au plus vif". Pour les américains, la France sous le régime de Vichy a été une "captive énigmatique" avant de devenir une "grande alliée blessée". L'exaltation de la victoire la rend plus vivante que jamais.

Elle possède le visage d'une mère et les français seraient ses enfants. L'image d ela mère-patrie est ici revivifiée. Elle "berce en son chagrin" celles et ceux qui sont morts pour elle. A la fin de la guerre, les prisonniers et les déportés compte parmi ses enfants les plus chers parce qu'ils furent les plus malheureux. Un lien douloureux existe entre la France et les français. 

 

La France est l'objet d'un culte. Les mots employés par de Gaulle appartiennent au vocabulaire religieux. Il a "foi en elle". La défaite de 1940 a failli faire disparaître "l'âme de la France". Son rétablissement tient du "miracle", il s'apparente même à une "résurrection". Le Te deum solennel de Notre-Dame de Paris réalise la fusion du patriotisme et de la foi. 

Auréolée d'un prestige millénaire. La France possède un  un statut presque unique parmi les nations. Elle se doit de défendre la liberté et la paix. Elle se d'accomplir son "oeuvre civilisatrice". De Gaulle refuse donc tout ce qui remet en cause les droits de la France qui n'est elle-même que dans la lutte de l'indépendance. La France ne peut exister que dans la grandeur.

Les partis politiques

Les partis politiques ont une image dévalorisée et il règne entre lui et eux un antagonisme irréductible.

La satire à leur propos est sans nuance : "rigoureux dans la critique et l'exclusive, mais chimériques et désaccordés dans ce qui est constructif". Tous tiennent des discours généreux et génraux sur la paix, la justice, la solidarité, mais ils sont dominés par "la crainte des actes" lorsqu'ils 'agit d'entrer dans le concret. Insatisfaits vis-à-vis de toute politique, ils critiqueraient même celle qu'ils auraient préconisé. Ils sont contraints de passer des compromis entre eux vu qu'aucun n'a la majorité.

Les partis n'existent que par leur électorat, leurs programmes tendent donc à satisfaire les revendications de la clientèle électorale. Ils ne représentent que des intérêts catégoriels. L'intérêt supérieur du pays est autre chose que "l'avantage immédiat des français". En outre, l'intérêt supérieur du pays leur est indifférent comme le prouve la réaction de Herriot qui déclare à de Gaulle lui proposant d'oeuvrer à la reconstruction du pays qu'il se consacrerait à "restaurer le parti radical".

 

Comment peut-on gouverner efficacement quand tant de gouvernements se succèdent en si peu de temps. L'indécision conduit à l'impuissance qui conduit elle-même au désatre. Les discussions de couloir et les intrigues jusqu'au conseil des ministres provoquent un "état presque chronique de crise". Il arrivait même au président des Etats-Unis de ne pas savoir qui était le chef de l'état français, ce qui ést proprement inacceptable.

L'opposition entre de Gaulle et les partis est radicale. Le problème est la nature des institutions dont il convient de doter le pays au sortir de la guerre. Les partis sont favorables à un régime parlementaire dans lequel le chef de l'état ne dispose d'aucun vrai pouvoir et où l'exécutif reste en place aussi longtemps qu'il dispose d'une majorité. De Gaulle condamne ce "régime des partis" et se montre favorable à un régime présidentiel où le gouvernement dépend du chef de l'état qui est "en charge de l'essentiel" et que le peuple a désigné.  


L'image du colonialisme

De Gaulle met en valeur la situation politique des colonies et assume le colonialisme. 

Des accords internationaux avaient donné mandat à la France de gérer la situation en Syrie, le Liban tandis que la Tunisie et le Maroc sont sous protectorat. La France assure leur défense et leurs relations internationales. Les différences entre protectorat et colonie sont plus juridiques que réelles. Ces pays s'agitent et se soulèvent.

Soutenus par l'Angleterre qui aspire à régner en Orient, les nationalistes syriens attaquent les troupes françaises stationnées sur place. Même s'il se termine à l'avntage de la France, le conflit a nécessité l'envoi de renforts. La situation est moins préoccupante au maghreb à l'exception de l'Algérie où la situation dans le constantinois est délicate. En Indochine, la situation est terrible. Le viet minh communiste y entame sa lutte pour l'indépendance. De Gaulle dépêche des troupes sous les ordres du général Leclerc.

 

Mais pourquoi conserver les colonies dans de telles conditions ? Il y a trois raison à cela :

-Guerre du Pacifique en  Indochine, contribution à la victoire alliée

-Les colonies contribuent à la grandeur et à la puissance de la France, la France aurait  bien moins de valeur sans elles.

-De Gaulle voit dans le colonialisme une "oeuvre civilisatrice, une façon de faire évoluer les pays colonisés.

L'accès à l'indépendance des colonie slui paraît néanmoins inévitable, si ce n'est souhaitable. Il le dit au sultan du Maroc et au grand Bey de Tunis. 


Karen Mikkelsen et Henrik Skivegård

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